- UNIVERSAUX (linguistique)
- UNIVERSAUX (linguistique)UNIVERSAUX, linguistiqueLe grand débat philosophique qui a trait aux universaux se répercute sur la linguistique; il retrouve là, en effet, son statut originel puisqu’il s’y articule sur le signe, où se noue notre rapport au monde: la querelle des universaux y sera donc doublement aiguë, débouchant sur la question de l’innéité des schèmes de pensée. Ramenée à l’essentiel, la question se formule ainsi: derrière la diversité des langues, peut-on repérer des lois qui s’appliquent universellement? En Europe, la théorie de l’arbitraire du signe, en Amérique, l’hypothèse de Sapir-Whorf (les langues découpent la réalité selon des critères qui sont propres aux groupes sociaux et non superposables d’une civilisation à l’autre) semblent faire de l’institution langagière le lieu de la diversité. Si l’on ajoute à cela le but pragmatique, parfois avoué, que se donne la linguistique descriptive (faciliter le contact avec d’autres cultures), on aura un tableau de l’empirisme qui régna, surtout outre-Atlantique, jusqu’aux développements du rationalisme de Chomsky ou de Jakobson.Pour Bloomfield, en effet, «les seules généralisations utiles qu’on peut faire au sujet de langage sont des généralisations inductives»; et ce mot d’ordre empiriste se double d’un certain scepticisme: «Les traits que nous croyons devoir être universels peuvent être absents de la prochaine langue que nous découvrirons.» La coupure méthodologique opérée par la grammaire transformationnelle s’accompagne d’un remaniement des termes du problème. Pour Chomsky, que guide le désir de mettre au jour certaines lois psycholinguistiques et notamment le caractère inné de la compétence, l’accent doit plutôt porter sur les ressemblances entre les langues que sur leurs différences. Il distingue, comme Jakobson, des universaux substantiels , qui affectent aussi bien le système phonologique d’une langue (les «traits pertinents») que sa syntaxe (les catégories se retrouvent d’une langue à une autre comme autant de possibilités qu’elles peuvent ne pas épuiser, mais qu’elles redistribuent en une totalité structurée: classes grammaticales, catégories aspectuelles, etc.) ou sa sémantique (qui repose également sur des traits distinctifs, tels que «animé»/«non-animé», «naturel»/«manufacturé»). Mais ce qui va sans doute plus loin, ce sont les universaux formels , qui caractérisent les transformations ou «opérations dépendantes de la structure»: en effet, la parenté entre des schémas de phrases différents (par exemple, l’active et la passive correspondante) ne peut s’exprimer qu’à partir de l’analyse de la séquence initiale, et non à l’aide de règles de permutation ou d’effacement qui ignoreraient tout de l’organisation des mots en phrases. C’est de fait sur le plan de la structure profonde que pourraient fonctionner les grandes lois logiques du calcul des propositions et s’éclairer les rapports de la logique et de la grammaire, notions qui restent tout à fait confuses si l’on s’en tient au niveau des structures manifestes.
Encyclopédie Universelle. 2012.